Rachat des jours de RTT par l’entreprise, de quoi parle-t-on (vraiment) ?
Publié dans : Be A Boss Auteurs : Alexandre Barbotin et Marion Locuratolo
Mois après mois, le pouvoir d’achat demeure l’une des préoccupations majeures des Français. Le pouvoir exécutif, avec l’aide du législateur, tente d’y apporter, tant bien que mal, une réponse dans un contexte économique délicat.
L’élaboration du nouveau dispositif de rachat de jours de RTT par l’entreprise participe de cet exercice tout aussi délicat.
Si cette initiative mérite d’être saluée, l’intérêt de la mesure est cependant limité.
« Travailler plus pour gagner plus »
La monétisation des jours de repos doit permettre au salarié (si son employeur est d’accord) de gagner en pouvoir d’achat, en renonçant à prendre certains jours de repos, qui seront finalement travaillés en contrepartie d’une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration des heures supplémentaires.
Afin de rendre ce dispositif attractif financièrement et d’encourager l’accord des parties, ces jours de repos monétisés bénéficient, dans la limite de 7.500 €, d’une réduction de cotisations sociales et d’une exonération d’impôt sur le revenu. Il faut également signaler que ces heures monétisées ne seront pas prises en compte dans le contingent d’heures supplémentaires.
En pratique, le dispositif ne consiste donc :
ni à monétiser des jours de repos qui ne l’auraient pas été avant, puisque lorsqu’ils sont exercés par le salarié pour ce qu’ils sont, à savoir du repos, ils font par principe l’objet d’une monétisation via le mécanisme du maintien de salaire. Le repos est alors rémunéré de manière semblable à ce qui est pratiqué pour les congés payés : RTT et congés payés, même combat ;
ni à échanger du repos contre du pouvoir d’achat. On aurait en effet pu imaginer que le salarié trop « riche » de jours de RTT ait la possibilité de les faire liquider en euros sonnants et trébuchants. Malheureusement pour lui, non.
Il s’agit bien pour l’intéressé de « travailler plus pour gagner plus », selon l’expression devenue célèbre à l’occasion de la campagne présidentielle de 2007.
Un rachat, oui mais pour qui ?
À première vue, le dispositif semble largement mobilisable puisqu’il s’applique quelle que soit la taille de l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire de conclure un accord d’entreprise, sans limite du nombre de jours pouvant être monétisés et de manière rétroactive aux jours de repos acquis depuis le 1er janvier 2022.
C’est également un dispositif facile d’accès pour le salarié puisque la loi n’impose aucun formalisme à respecter pour en bénéficier.
Mais en réalité, le dispositif de monétisation présente un champ d’application limité et ne pourra pas s’appliquer à tous les salariés du secteur privé.
En effet, seules deux catégories de jours de repos sont concernées par la monétisation :
le jours de récupération du temps de travail encore en vigueur dans certains textes collectifs, résultant de la réduction de la durée légale du travail de 39 à 35 heures ;
les jours de repos institués par des accords d’aménagement du temps de travail spécifiques, relativement à des activités connaissant des variations importantes (ex : services à la personne, industrie).
Ne sont donc notamment pas visés, les jours de repos résultant de l’application d’un forfait-jours, ou encore ceux venant en remplacement du paiement des heures supplémentaires.
L’autre limite, de taille, est que cette monétisation doit être acceptée par l’employeur, ce qui suppose notamment que son activité le nécessite.
La pertinence du dispositif en question
L’intérêt du dispositif du rachat des jours de RTT est d’autant plus limité qu’il existe déjà des dispositifs similaires permettant aux salariés de convertir leurs jours de repos en argent.
Or, ces dispositifs sont permanents contrairement à la monétisation des jours de repos, dont la date limite a été fixée au 31 décembre 2025.
Ainsi, les salariés en forfait-jours sont légalement autorisés à racheter leurs jours de RTT en contrepartie d’une majoration de salaire d’au moins 10% (article L. 3121-59 du Code du travail) ; cela explique d’ailleurs leur exclusion du dispositif exceptionnel.
Plus largement, la monétisation des jours de repos est souvent implantée dans les entreprises par le biais du « compte épargne temps » ou « CET », qui permet aux salariés de les épargner en vue d’une utilisation future ou d’une monétisation non-majorée (mais également « non-travaillée »).
Public limité, obligation de travailler plus, concurrence avec des mécanismes propres aux entreprises issus de la négociation collective, il n’est pas certain que le dispositif de monétisation de jours de repos joue à plein dans les mois à venir, qui plus est alors que certaines voix syndicales se sont élevées pour dénoncer une « atteinte au 35 heures ».
Où l’on reparle du caractère délicat de l’exercice…
- Publication précédenteRetour vers le futur : les « travailleurs augmentés » et le droit social.
- Publication suivanteLa FAQ des élus.