Le salarié au volant : pas si simple !
Publié dans : Focus RH Auteurs : Stéphane Laubeuf et Marie-Julie Mogentale
De nombreux salariés doivent détenir un permis de conduire valable pour exercer leur métier, qu’ils utilisent un véhicule de service, une voiture de fonction ou leur propre véhicule.
Que demander au candidat lorsqu’il est recruté, que faire si le salarié perd son permis ou commet une infraction avec son véhicule pendant ou hors du temps de travail ?
Comment concilier droit du travail et code de la route (hors transports routiers) ?
Lors de l’embauche, si et seulement si l’emploi occupé nécessite d’avoir un permis de conduire, l’employeur est en droit de savoir si le candidat possède celui-ci, peut exiger la production de l’original sans pouvoir, en revanche, demander le nombre de points encore détenus.
L’employeur peut même organiser un test professionnel de courte durée, pour déterminer l’aptitude du candidat à occuper le poste, sans avoir à le rémunérer.
La communication de fausses informations par le candidat sera de nature à justifier son licenciement.
Bien évidemment, si la détention du permis est nécessaire à l’accomplissement des fonctions, l’employeur sera avisé d’introduire dans le contrat de travail les clauses idoines afin que le salarié connaisse clairement ses obligations et les conséquences possibles de ses manquements ou fautes.
Traiter ces questions par la voie du règlement intérieur est également pertinent.
L’employeur pourra aussi, si cela est prévu dans le contrat ou le règlement, demander de temps à autre à son salarié la justification de la détention d’un permis valable.
Il devra parallèlement s’assurer régulièrement, via les visites à la médecine du travail, de l’aptitude de son salarié à pouvoir conduire.
Mais que se passe-t-il en cas de suspension ou de perte de permis en cours de contrat ?
Sous réserve de dispositions conventionnelles spécifiques, des termes du contrat de travail ou de ce qu’énonce le règlement intérieur, le salarié dont le permis est suspendu ou annulé pourra être licencié.
Mais attention, le régime est différent selon le moment de survenance de l’infraction :
ce sera un licenciement disciplinaire si l’infraction à l’origine de la suspension ou de l’annulation du permis est commise pendant le temps de travail ;
ce sera un licenciement personnel non disciplinaire si l’infraction est commise hors du temps de travail.
Dans tous les cas, et sauf licenciement pour faute grave privative d’office du préavis, le salarié perdra son droit au préavis, faute pour lui de pouvoir l’exécuter ne détenant plus le permis lui permettant de travailler.
L’employeur devra donc être vigilant quant à la procédure à suivre et à la motivation de la lettre de rupture.
Le salarié sera toutefois loisible de contester son licenciement si la survenance de l’infraction résulte d’un manquement de l’employeur dans l’exécution du contrat ou d’instructions précises de sa part (non-respect des temps de repos, organisation de tournées de livraison dans des délais incompatibles avec le respect du code de la route, etc.).
Bien évidemment, l’employeur peut toujours opter pour une solution alternative, en proposant au salarié de l’affecter temporairement dans un emploi ne nécessitant pas la détention d’un permis de conduire, jusqu’à régularisation de la difficulté.
Dans cette hypothèse, un avenant devra être conclu pour encadrer cette période particulière et envisager quel sort sera réservé au contrat si, in fine, le salarié ne recouvre pas la faculté de conduire.
Et si le salarié camoufle avoir perdu son permis et continue à exercer son emploi sans celui-ci, l’employeur pourra choisir de licencier pour manquement à la loyauté contractuelle, lorsqu’il découvrira la situation.
Enfin, si le salarié reste, de façon générale, responsable pénalement des infractions qu’il a commises (la perte de points affecte le permis du conducteur, pas celui de l’employeur) et doit payer les amendes concernant son véhicule personnel, c’est l’employeur qui doit payer les amendes des véhicules de l’entreprise, sauf s’il révèle l’identité du conducteur.
Sur ce point, depuis le 1er janvier 2017, l’employeur doit, sauf circonstances exceptionnelles, communiquer l’identité et l’adresse de la personne auteur d’une infraction routière réalisée avec un véhicule de l’entreprise (si le conducteur n’a pas été contrôlé au moment de l’infraction) au risque d’exposer l’entreprise qui s’abstiendrait à une contravention spécifique, en complément de l’amende liée à l’infraction routière elle-même.
De fait, l’employeur ne peut jamais, sauf faute lourde, effectuer une retenue sur salaire correspondant à une amende qu’il a payée pour un véhicule qui lui appartient : ou il paye et conserve le paiement à sa charge, ou il donne l’identité du conducteur, à charge pour les services de l’Etat de recouvrer l’amende auprès du salarié identifié.
Mais l’entreprise ne peut procéder directement à une compensation via le salaire.
Une fois de plus, pour un sujet qui est récurrent au sein des entreprises, le conseil est de bien traiter en amont ces questions, notamment au travers du contrat de travail et du règlement intérieur, tout en prévoyant des actions de prévention et de formation tout au long de la relation, pour éviter en cours de contrat de faire fausse route.
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